Accaparement éditorial: des pratiques à encadrer

MagSacem n°108

Depuis plusieurs années, le secteur de l’édition des musiques à l’image est bouleversé par la pratique de certains producteurs audiovisuels et diffuseurs, qui subordonnent l’utilisation d’œuvres musicales au sein de leurs programmes à la cession, par leurs auteurs, de leurs droits éditoriaux, que ce soit au profit direct de ces acteurs ou de l’une de leurs filiales.

L’enquête « Édition des musiques à l’image : liberté ou édition coercitive ? », menée par le Snac, l’UCMF et l’Unac sur cette pratique, dite d’accaparement éditorial ou édition coercitive, montre qu’elle concerne régulièrement plus de 55 % des compositeurs interrogés, pour toutes sortes de productions audiovisuelles (cinéma, fictions TV, séries TV, documentaires…).
Souvent dans un état de dépendance économique vis-à-vis de ces entreprises, les compositeurs de musique à l’image n’ont guère d’autre choix, lorsqu’un producteur ou un diffuseur leur commande la création d’œuvres, que d’accepter ces contrats d’édition, le plus souvent sans aucune contrepartie financière, sous peine de ne pas travailler sur le projet.

Atteinte aux droits

Ces producteurs ou diffuseurs, qui ne sont pas des professionnels de l’édition, n’assument généralement pas les obligations légales liées au contrat d’édition, notamment celles de redditions de comptes obligatoires. Il en est de même pour l’obligation d’exploitation permanente et suivie, qui oblige les éditeurs à faire vivre les musiques dont ils ont les droits en les réexploitant dans d’autres productions que le projet d’origine. L’édition coercitive entraîne une amputation de rémunération pour les compositeurs.
Mais cette pratique porte aussi atteinte aux droits des éditeurs qui subissent une concurrence déloyale et une pression de la part de ces acteurs pour déroger à leurs contrats de préférence. De même, lorsqu’il s’agit d’œuvres préexistantes dont ils sont les éditeurs originaires, ils se voient contraints d’accepter des
contrats de coédition ne tenant pas compte de leur travail et investissements antérieurs, et qui engendrent pour eux un manque à gagner. Même si les statuts
de la Sacem prévoient un dispositif anti-accaparement et des sanctions à l’encontre de ses membres qui se livreraient à de telles pratiques, il est difficile, en réalité, de les identifier, car les compositeurs ne sont pas prêts à dénoncer des structures qui les font travailler, et craignent d’être écartés d’autres projets, s’ils venaient à le faire.

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Action institutionnelle

La proposition de loi Darcos, actuellement en discussion au Sénat, qui prévoit d’étendre à l’ensemble de la profession le Code des usages et des bonnes pratiques de l’édition des œuvres musicales signé en 2017 entre les organisations professionnelles représentatives des auteurs et celles des éditeurs de musique, constitue une avancée pour assainir ces pratiques.
Selon cet accord, la diffusion du programme audiovisuel pour lequel l’œuvre a été créée ne peut pas être considérée à elle seule comme de l’exploitation permanente et suivie.
Cette disposition constitue donc une étape majeure dans le nécessaire encadrement des pratiques d’édition coercitive dans le domaine de la musique à l’image. La Sacem, de son côté, a entamé des discussions sur ces pratiques avec le CNC, qui octroie des aides aux producteurs pour la composition de musiques originales.

 


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Publié le 07 janvier 2022