Hommage : Jean Leccia, visionnaire de l'arrangement et de la composition

25 janvier 2023

Compositeur, pianiste, arrangeur et chef d’orchestre, Jean Leccia s’est éteint le 10 janvier 2023 à l’âge de 84 ans. Sa longue carrière l’aura vu œuvrer dans le jazz, la chanson, la pop et l’électro, pour le cinéma, les ballets et la publicité, tout en réussissant un beau détour par les États-Unis.

La consonance et l’orthographe de son nom ne prêtaient guère à confusion. D’origine corse, Jean Leccia est pourtant né à Lyon le 19 février 1935. C’est dans cette ville qu’il grandit et qu’éclate dès ses cinq ans son don précoce pour la musique. Quatre ans plus tard, il entre au Conservatoire de Musique de sa ville natale pour y étudier le solfège, le piano et l'accompagnement ainsi que l'harmonie et le contrepoint. À quatorze ans, il finance ses études en se produisant dans des bals et des galas. La chance lui sourit quand le chef d'orchestre Benny Bennet vient pour un concert à Lyon mais que son pianiste tombe malade. Suivant les recommandations de musiciens lyonnais, il le remplace par le jeune Jean qui assure sa partie sans même avoir répété.

Ses examens brillamment réussis (premier prix de solfège, de piano, d'harmonie, et deuxième prix d'accompagnement), il se souviendra des mots de Bennet lui conseillant de venir à Paris où il l’aiderait pour sa carrière. En 1954, Leccia « monte à la capitale » où le réseau de Benny Bennet lui permet de jouer dans différents orchestres de danse, de tango, de musique cubaine et de jazz, avant de devenir pianiste-répétiteur pour les spectacles du Moulin-Rouge. Il devient le pianiste de Charles Aznavour pour lequel il arrange, orchestre et dirige. Ainsi naitront Ce sacré piano, J’aime Paris au mois de mai, On ne sait jamais, Pour faire une jam… Il prend son envol en tant que chef d’orchestre et arrangeur, et signe dans la foulée sous son nom et sous différents pseudonymes toute une série de productions.

Il devient l’arrangeur que le tout-Paris des artistes du moment s’arrache. Lui se plaît à investir d’autres champs, comme les musiques de ballets puis les bandes originales de films, en particulier pour le réalisateur Bernard Borderie (Ces dames préfèrent le mambo, Le Gorille vous salue bien…)

Devenu sociétaire définitif de la Sacem, Leccia profite de l’effervescence des années 60 pour se consacrer à une multitude d’exercices différents : musiques de films, de spectacles de music-hall, de ballets, travaillant pour Eric Charden, Line Renaud, Gilbert Bécaud, Dario Moreno, Charles Dumont, Jean-Jacques Debout… Ses qualités éveillent l’attention d’Édith Piaf qui fait appel à ses arrangements sur plusieurs chansons et à sa direction musicale sur son dernier récital à l’Olympia. Quand, en 1965, il met un frein à son rythme de travail effréné en studio, c’est pour se consacrer à ce qui reste l’une de ses œuvres les plus célèbres : le thème de la très populaire série télévisée Les saintes chéries.

En 1967, il quitte la France du yé-yé pour répondre à l’appel des Etats-Unis où un palace de Las Vegas lui propose de composer la musique d’une revue. Il y reste jusqu’en 1985 et y monte son propre groupe vocal. Cette période lui permet de réaliser des musiques de spectacles et de diriger des orchestres. Il y prend le pseudonyme de Jon Lexia, tandis qu’il donne le nom de Lexia au groupe pop qu’il monte.

Au milieu des années 80, sa curiosité lui permet d’immédiatement saisir l’intérêt des synthétiseurs et de la musique sur ordinateur. Il se passionne pour ces nouveaux modes de composition dont l’approche en toute autonomie lui permet d’écrire bon nombre de musiques de publicités. Cette décennie marque aussi ses retrouvailles avec son vieil ami pour lequel il signe les arrangements du « Spécial Aznavour » de l’émission Champs-Elysées de Michel Drucker. Il offre aussi ses services à divers artistes dont Fred Mella des Compagnons de la Chanson, Gilbert Bécaud et Michel Leeb. Si l’on ajoute ses créations dans l’illustration sonore, Jean Leccia laisse derrière lui une carrière à l’image de sa vie : riche, passionnée et aventureuse.

Jean Leccia avait adhéré à la Sacem en qualité d’auteur en 1956.

« Jean Leccia, cet exceptionnel prodige de la musique, a très vite été repéré quand il a décidé très jeune de venir à Paris. Il s’est illustré avec succès dans tous les genres musicaux et en plus il était d’une grande modestie et d’une gentillesse immense. » Gérard Davoust, éditeur et producteur  

Publié le 25 janvier 2023