Jean-Jacques Beineix, l’insoumis du cinéma français

C’est avec émotion que la Sacem a appris la disparition de Jean-Jacques Beineix. Auteur, réalisateur et producteur, il a marqué les années 80 avec des films cultes, avant de se consacrer à des documentaires pour la télévision, à la mise en scène au théâtre, à la musique et à l’écriture. La Sacem salue la mémoire de cet artiste au talent immense, qui se définissait comme un « autodidacte ».

© TELBA/OH/SIPA

En 2006, Jean-Jacques Beineix publiait son recueil de mémoires intitulé Les Chantiers de la gloire. Clin d’œil au film Les Chemins de la gloire de Stanley Kubrick, le titre lançait une pique ironique sur une carrière en dents de scie, où les déceptions ont assombri un démarrage qui laissait présager d’une carrière phénoménale. « J’ai connu l’échec et la gloire, ça fait un drôle de chantier. Je peux vous parler des deux » y écrivait-il.

Né le 8 octobre 1946 à Paris, Jean-Jacques Beineix débute par des études de médecine avant de se diriger vers le Septième art. Recalé de peu à l’examen d’entrée à l’Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (IDHEC, ex-Fémis), il vient au métier par le biais de la télévision en devenant premier assistant-réalisateur de Jean Becker sur la série Les Saintes Chéries.

Durant les années 70, il occupe ce poste sur des films de René Clément, Jerry Lewis, Nadine Trintignant, Marc Simenon, Claude Zidi… En 1977, son premier court-métrage lui vaut d’être repéré par la productrice Irène Silberman.
Celle-ci lui conseille la lecture du roman Diva, qu’il adapte au grand écran en 1981. À la fois film musical et thriller, sur la musique originale de Vladimir Cosma, ce coup de maitre, récompensé de cinq Césars, dont celui de la meilleure première œuvre, installe Beineix dans la vague des réalisateurs novateurs des années 80, aux côtés de Luc Besson.

Deux ans plus tard, il le confirme avec La Lune dans le caniveau, où jouent notamment Nastassja Kinski et Gérard Depardieu, adapté d’un polar de David Goodis.

En 1986, Beineix adapte un roman de Philippe Djian pour 37°2 le matin, l’histoire d’un amour fusionnel et dévastateur, qui révèle la jeune comédienne Béatrice Dalle.
Première sortie de sa société de production Cargo Films, ce véritable phénomène attire plus de 3,6 millions de spectateurs l’année de sa sortie. Nommé à neuf reprises aux César, 37°2 le matin a aussi été nommé à l’Oscar du meilleur film étranger.

Mais en 1989, Roselyne et les Lions, ne rencontre pas le même succès.
Même cruelle désillusion en 1992 avec IP5 - l’île aux pachydermes, où joue Yves Montand pour la dernière fois avant sa mort, et que Beineix considérait pourtant comme son meilleur film.

En 2001, l’échec du thriller Mortel transfert le décide à se retirer définitivement de la réalisation. Par la suite, il abandonne plusieurs projets et repousse plusieurs propositions d’Hollywood. En parallèle, il produit des documentaires avec Cargo Productions, et en réalise lui-même une série entre 1992 et 2012, dont Les enfants de Roumanie, Assigné à résidence, et Loft Paradoxe sur l’émission de télé-réalité Loft Story.

En 2015, il s’essaye au théâtre avec la mise en scène de Kiki de Montparnasse au Lucernaire à Paris.
En 2020, il publie son premier roman, Toboggan.
Véritable mélomane, il prend des cours de piano depuis la naissance de sa fille et en joue au quotidien, se passionnant pour des compositeurs classiques. Avec Cargo Films, il édite ainsi ses musiques qu’il signe en tant qu’auteur ou compositeur.

Forte personnalité du cinéma, fervent défenseur du droit d’auteur, de la liberté de créer et de l’exception culturelle, membre fondateur de l’ARP, Jean-Jacques Beineix laissera l’image d’un créateur intransigeant au style unique et à la carrière protéiforme, riche de sa diversité. « Une des plus belles pages de ma vie vient de se tourner… je t’aime » a écrit Béatrice Dalle à l’annonce de sa disparition, le 13 janvier, des suites d’une longue maladie.

« Je tiens, au nom du Conseil d’administration, à saluer cet immense artiste qui a su mettre sa notoriété et son talent au service du collectif en s’engageant avec force et détermination pour la défense du droit des créateurs. Il nous laisse des œuvres monumentales et le souvenir d’un autodidacte visionnaire pour qui l’intérêt général n’était pas une option. », Patrick Sigwalt, compositeur, Président du Conseil d’administration de la Sacem

Publié le 17 janvier 2022